Par Danielle Desjardins de la Fabrique de sens
En 2012, les cofondateurs du Pantoum, Jean-Étienne Colin-Marcoux et Jean-Michel Letendre-Veilleux, expliquaient à un journaliste du Devoir que leur objectif était de mettre l’organisme « au service de la scène émergente dans l’espoir de rassembler le milieu underground de la Capitale qu’ils jugeaient fracturé et disparate.[1] »
Douze ans plus tard, le Pantoum est au cœur de la scène musicale de la ville de Québec, elle-même devenue un écosystème dynamique d’où ont émergé des artistes reconnus comme Hubert Lenoir, Jérôme 50, Ariane Roy, ou encore Les Louanges.
« Le Pantoum », explique Émilie Tremblay, sa directrice générale, « est vraiment imbriqué dans un désir de rétention des musiciens et musiciennes à Québec. Une communauté s’est créée autour des espaces de répétition, de diffusion, d’enregistrement et de création. Les musiciens sont restés à Québec, d’autres organismes ont été créés, il y a eu des investissements de la ville. »
Au début de l’année 2020, une belle effervescence entourait le complexe musical, mais sa survie n’était pas pour autant assurée. « Le Pantoum, c’était une initiative portée à bout de bras par des travailleurs autonomes, pas une compagnie individuelle », ajoute Émilie.
Des enjeux de zonage avec la ville, qui auraient pu avoir pour effet de forcer Le Pantoum à remettre son existence en question, ont amené l’équipe à entamer une réflexion autour de son positionnement et des actions à mettre en œuvre pour inscrire l’initiative dans la durée.
Puis la pandémie est arrivée et l’édifice qui abritait le Pantoum, « un édifice gros, massif qui avait besoin de beaucoup d’amour », a été mis en vente. « On savait que nos activités ne seraient pas nécessairement acceptées par le nouveau propriétaire, que ça pouvait aller vite, surtout dans les quartiers centraux, en ces temps de pandémie. On a décidé qu’il fallait acquérir l’immeuble et aussi y effectuer des travaux. »
La nécessité d’adopter une démarche entrepreneuriale est vite devenue un incontournable. Pour acheter l’immeuble, il fallait être en mesure de convaincre bailleurs de fonds et banquiers que l’organisme pouvait se projeter dans l’avenir.
C’est à ce moment que le programme d’aide au développement entrepreneurial de la SODEC entre en jeu : « Quand on a verbalisé nos besoins, le terme plan d’affaires s’est imposé, c’est pour ça qu’on est allé chercher l’aide de la SODEC. »
Le Pantoum a soumis sa demande au volet Acquisition d’expertise du programme. Pour être admissibles, les projets soumis à ce volet doivent être de nature à permettre à l’entreprise de franchir une étape décisive de son développement.
Avec ce soutien, Le Pantoum (devenu un OBNL sous le nom de Création Le Pantoum) a pu embaucher une firme et obtenir une étude de son marché pour procéder à l’examen de son modèle d’affaires.
Ces démarches ont permis d’identifier la clientèle (le public et les utilisateurs), de préciser le fonctionnement du lieu, de cerner son positionnement dans l’écosystème culturel québécois et de produire un plan d’affaires cohérent et tourné vers l’avenir.
L’étude de marché a démontré que Le Pantoum disposait d’un énorme taux de rétention de son public. « Une étude comme ça » ajoute Émilie, « il faut en avoir les moyens, il faut avoir les compétences pour analyser les chiffres. Nous on n’avait pas vraiment une équipe qui travaillait avec nous pour ça. Ce sont des documents super précieux. »
L’étude a également permis à l’organisme de confirmer qu’il occupe une place unique dans l’écosystème culturel québécois. Il n’y a pas, au Québec, d’organisme qui, comme Le Pantoum, offre à la fois des activités de studio d’enregistrement, des locaux de répétition et un lieu de diffusion au moindre coût possible afin que, comme l’explique Émilie, un artiste en voie de professionnalisation puisse s’offrir ses services.
« Ça nous a permis d’aller chercher le financement pour acquérir l’immeuble à la hauteur de 1,9 million de dollars, ajoute Émilie. « Et d’aller chercher des subventions importantes pour le rénover. »
Le Pantoum est maintenant bien outillé pour la suite prévue au plan d’affaires. « On veut continuer, on ne veut pas dénaturer ce qu’on était ». Le plan d’affaires est un outil qui permettra d’assurer la pérennisation de l’initiative et de relancer les activités qui sont au cœur de sa mission. « Tout a été un petit peu mis en pause, justement, parce qu’il a fallu qu’on fasse des travaux quand même majeurs cette année. »
« On était une vieille jeune organisation » souligne Émilie. Maintenant que l’équipe s’est « professionnalisée », comme elle le dit, Le Pantoum se sent en bonne position pour répondre aux besoins du milieu identifiés pendant l’étape de planification.
« Avec notre plan d’affaires on a vu les forces du Pantoum. On va continuer à l’adapter aux nouvelles réalités du milieu. Aller chercher un nouveau public, le rajeunir, aider les artistes, c’est pas mal les prochaines étapes. »
L’équipe va se concentrer sur la poursuite des travaux de rénovation et d’adaptation des locaux. Émilie prévoit que les nouveaux projets devraient être lancés au cours de l’année 2026.
[1] Raphaël Dallaire Ferland. Le Devoir, 23 juil. 2012. Un repaire pour l’underground de Québec.