Société de développement des entreprises culturelles
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Article sur l'entrepreneuriat culturel

QUAND LES ÉTOILES S’ALIGNENT – Écosociété acquiert Isatis

Par Marie-Hélène La Mothe, SODEC 

 

Lorsqu’on demande à Angèle Delaunois ce qui l’a poussée à se tourner vers les Éditions Écosociété, en 2022, pour prendre le relais d’Isatis, l’éditrice et fondatrice de la maison d’édition jeunesse ne tourne pas autour du pot : « Bien, ma date de naissance, déjà! ». Madame Delaunois a beau être une passionnée de littérature jeunesse, après 35 ans à travailler dans le milieu de l’édition, elle trouvait qu’il était temps de diminuer la cadence et de passer le flambeau.

Angèle Delaunois (Isatis) et Élodie Comtois (Écosociété)

Du côté de l’organisme Écosociété, l’équipe avait en tête depuis un bon moment de diversifier son catalogue par l’ajout de titres jeunesse. En 2021, une transition avait même été mise en place avec l’addition d’une éditrice à l’équipe, Pauline Gagnon, chargée de développer une collection d’essais à destination des adolescentes et des adolescents, Radar. Mais malgré les demandes répétées de leur clientèle, l’inconfort d’aller jouer dans une part de marché déjà bien couverte par leurs pairs retenait Élodie Comtois, responsable du commercial (Québec, Europe) et de la direction artistique et Kevin Cordeau, responsable de la production. « L’idée d’ajouter un catalogue jeunesse revenait lors de chacun de nos lacs à l’épaule, parce que c’était une demande qui venait de parents qui achètent nos livres. Le problème, c’est qu’il y a tellement de bons éditeurs jeunesse au Québec que ça nous paraissait très délicat d’aller empiéter sur ce terrain-là et de démarrer quelque chose de nouveau. Alors, quand Angèle nous a approchés, j’ai sauté de joie et c’est comme devenu une obsession. On a embarqué : c’était le momentum parfait! » se rappelle Élodie.

Écosociété préconisant des titres qui traitent de thèmes engagés et son équipe étant active dans le milieu associatif et siégeant, tout comme Angèle, sur des comités actifs en développement durable, cette dernière s’est tout naturellement tournée vers Élodie et Kevin pour son plan de repreneuriat, trouvant qu’il allait de soi de passer la main à des gens ayant les mêmes valeurs qu’elle. Cette transaction était aussi l’occasion de faire découvrir le catalogue d’Isatis, plus niché, aux lecteurs adultes engagés d’Écosociété, en plus de lui faire profiter du rayonnement européen dont elle jouit déjà.

Lors de l’annonce publique de la reprise d’Isatis par Écosociété dans le cadre du Salon du livre de Montréal 2023, les appréhensions d’Élodie et de Kevin se sont vite évanouies. Les partenaires furent plutôt témoins de réactions fort positives de leurs pairs, qui se sont dits enthousiastes par rapport à cette alliance et heureux pour Angèle. Les réactions furent chaleureuses et bienveillantes, et les auteurs et autrices rassurés de savoir qu’ils seraient entre de bonnes mains pour la suite.

Kevin Cordeau et Élodie Comtois des Éditions Écosociété, Angèle Delaunois des Éditions de l’Isatis

Prof un jour, prof toujours

Toujours active dans l’entreprise, Angèle, femme-orchestre autoproclamée, accompagnera Kevin et Élodie dans leur nouvelle acquisition au cours des deux prochaines années, eux qui sont légalement propriétaires d’Isatis depuis le 1er avril 2024. Ils sont maintenant prêts à relever le défi d’embrasser un catalogue de 250 livres pour enfants et d’en apprendre davantage sur le métier d’éditeur de livres jeunesse.

Faire le choix des manuscrits, collaborer avec les auteurs et les autrices, coordonner la production, assister aux salons du livre tout comme aux foires internationales, gérer l’administration et faire les demandes de subventions, Élodie et Kevin connaissent bien la musique. La transmission du savoir d’Angèle, ancienne professeur, passera surtout par les aspects spécifiques à l’édition jeunesse, comme le travail de collaboration avec les illustrateurs et les illustratrices. En plus d’ajouter une étape occasionnant un délai parfois très important à la production d’un livre, le travail d’illustration est un ingrédient essentiel de la réussite d’une œuvre jeunesse : « On peut fort bien rater un excellent bouquin parce qu’on n’a pas le bon illustrateur pour le bon texte. C’est important de connaitre les artistes qui sont dans le milieu et d’être capable de faire en sorte que le style particulier d’un illustrateur convienne au style du texte. », explique Angèle.

Pour Kevin, cette période d’accompagnement est fondamentale : « Le processus n’est pas nécessairement très éloigné de ce que l’on fait déjà, mais la démarche est différente. C’est un travail plus serré de mise en page, en plus d’ajouter l’accompagnement avec l’illustrateur. On va apprendre progressivement, on va devenir de plus en plus autonomes, au fur et à mesure de ces deux années-là. ». Il en va de même pour le traitement des sujets parfois complexes et destinés aux enfants. La force d’Isatis est d’apporter avec intelligence des connaissances aux jeunes avec tendresse, gentillesse et empathie, sans les culpabiliser et sans paternalisme. Poursuivre sur cette voie pourrait être un défi pour les deux parents engagés que sont Élodie et Kevin, conscients, sourires en coin, qu’il peut être facile de glisser vers un ton moralisateur.

L’appui de la banque d’affaires de la SODEC

Lorsque la discussion bifurque vers les aspects juridiques et comptables de la transaction d’Isatis chez Écosociété, le besoin de ventiler se fait sentir, tant chez les repreneurs que chez l’ancienne propriétaire. Cette étape fut lourde et stressante pour les parties impliquées. Entre le calcul du fonds de roulement, les enquêtes, la rédaction d’une lettre d’intention et le jargon du milieu des affaires, Élodie ne s’en cache pas : « J’aurais aimé qu’on me dise : attention, libère du temps au moment où la transaction va se faire, va chercher de l’aide pour t’assurer de bien comprendre chacune des étapes, déleste-toi d’une partie de ta charge habituelle de travail. Ça me sortait par les oreilles. »

Mais Angèle, Élodie et Kevin ont rapidement été accompagnés par la Société de développement des entreprises culturelles. Kevin raconte : « Les conseils de la SODEC ont été importants. C’est un langage qu’on apprenait. Quelqu’un qui nous a aidés à y voir plus clair, c’est Simon Cypihot-Cardinal, avec qui on a fait plusieurs réunions de travail. Il a été très à l’écoute et de bons conseils. »  Comme première étape, l’analyste financier de la banque d’affaires de la SODEC les a aiguillés vers le programme d’aide au développement entrepreneurial, grâce auquel ils sont allés chercher l’expertise de Stéphane Labbé, un consultant spécialisé dans le milieu de l’édition. C’est avec ce dernier qu’ils ont pu déterminer la valeur d’Isatis et faire une offre à sa propriétaire en toute connaissance de cause. Parallèlement à cela, Élodie et Kevin ont contacté le CTEQ, où Éric Chouinard les a aidés à comprendre le processus de la transaction, tout en facilitant les discussions entre les parties quant aux prix et aux différentes modalités de transaction.

Le rôle de la banque d’affaires de la SODEC étant d’accompagner les entreprises culturelles dans leurs besoins de financement en complémentarité avec d’autres partenaires financiers, lorsqu’est venu le temps de financer la transaction, Élodie et Kevin se sont de nouveau tournés vers Simon Cypihot-Cardinal pour explorer les solutions de financement proposées par les institutions financières. Il a ainsi travaillé avec les partenaires financiers pressentis afin de déterminer une solution de financement adaptée. Après avoir déterminé la charge de la dette, c’est-à-dire de mesurer si l’endettement qu’Élodie et Kevin étaient sur le point de mettre en place était viable pour Écosociété sur le long terme, les repreneurs ont pu prendre la meilleure des décisions pour supporter leur transaction.

Heureusement, ce début de parcours laborieux ne les a pas refroidis, au contraire, car ils savaient que le plaisir était sur le point de commencer.

 Place au plaisir!

Maintenant qu’ils ont officiellement acquis Isatis, Élodie Comtois et Kevin Cordeau, bien accompagnés par Angèle Delaunois, ont du pain sur la planche. Ils sont maintenant trois employés à se partager tout ce que faisait Angèle à l’époque, ce qui les conforte, vu l’ampleur du catalogue. Une première réunion éditoriale a d’ailleurs eu lieu tout récemment.

Parmi les projets à venir, Kevin, comme responsable de la production, doit user de créativité pour trouver des solutions viables quant aux nouveaux enjeux qu’amène l’impression de livres cartonnés destinés à la collection d’Isatis. Pas question de délocaliser l’impression des livres : plusieurs éditeurs se sont regroupés afin d’obtenir des prix plus intéressants auprès d’un imprimeur local, mais avec l’arrivée des couvertures cartonnées, il mesure l’ampleur du défi. Et comme il le dit si bien : « Les défis font partie du plaisir! ».

Le mot de la fin revient aux deux jeunes repreneurs : « Si on veut qu’Angèle reste une autrice d’Isatis pendant longtemps, il faut qu’on soit de bons éditeurs. Elle a une centaine de bouquins jeunesse à son actif, chez une douzaine d’éditeurs différents, donc il faut qu’elle ait envie de rester chez nous! ».

 

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